POÈME
On flotte dans ce monde plongé dans l'obscurité
je ne sais si mon oeil voit ce qu'il voit tant la noirceur aspire mon regard comme un trou noir
Forcée de me concentrer pour peupler mon champ visuel
trouver mes appuis en imaginant des prises dans des interstices
Effritement des certitudes
je ne vois rien
si peut-être l'ombre de moi-même
l'oeil lumineux je m'abandonne dans le noir qui m'absorbe lentement
je traverse ce monde guidée par la nuit
le temps se diffuse dans les profondeurs comme une tâche d'encre déployant les surplis de sa robe
son velours lourd tape le fond et remonte en surface en négatif
Étale, le temps ralentit son débit, étouffe, pause longue
La lenteur du blanc à se révéler peine à faire monter le noir
L'île noire me rejette, la pleine lune m'aveugle
Je glisse dans une barque regagner la berge des vivants
Filer dans l'écume du temps souplement
Je me retourne regarder ce que je ne pourrais plus voir
Derrière moi la matière noire émerge, puissante, lumineuse,
outrenoire.